Face à une mine, quoi faire ?
Le conflit qui a tiraillé la Casamance pendant trente ans est maintenant terminé. Mais les mines antipersonnel sont toujours là, menaçant la vie des civils. En parallèle à ses opérations de déminage, Handicap International avec son partenaire, l’Association sénégalaise des victimes de mines (ASVM), informe et sensibilise la population aux risques posés par les mines. En huit mois, 60 écoles et 65 villages bénéficieront de sessions de sensibilisation.
© J-J. Bernard / Handicap International
Près de deux heures de route depuis la seule grande ville de Casamance, Ziguinchor. L’équipe d’animateurs de l’ASVM suit une mauvaise piste qui s’enfonce dans la brousse, montrant combien une grande partie de la population de la région est enclavée, loin de tous services et infrastructures.
Nous arrivons à 9 heures à Leu Feu, petit village d’une centaine d’habitants près de la frontière gambienne. Tout le village se rassemble aujourd’hui sur la place devant le potager communautaire à l’ombre de grands arbres. Les deux animateurs de l’ASVM déballent leurs matériels, micro, sono et brochures, pour commencer une séance d’éducation aux risques que constituent les mines. Ils connaissent leur sujet : ils sont tous deux victimes de mines, l’un amputé à la jambe, l’autre juste blessé. On sépare les enfants des adultes pour constituer deux groupes. C’est parti pour deux heures de sensibilisation !
« On commence toujours avec un petit test de connaissance pour voir ce que les villageois savent déjà, explique Mamady Gassama, un des fondateurs de l’ASVM, qui regarde de loin comment se déroule la séance. Ensuite, on martèle les principaux messages : ne pas s’approcher quand on repère un objet non identifié qui émerge du sol ; faire un marquage avec deux branches ; avertir les autorités du village... Rien de bien compliqué. Seulement du bon sens et de bonnes habitudes à prendre. »
Le souvenir des violences liées au conflit est encore vif chez les villageois qui après avoir trouvé refuge en Gambie au plus fort des combats pendant plusieurs années ont regagné leur village il y a deux ans. Certains chemins et champs ne sont plus pratiqués par peur de la présence d’engins explosifs. Même si le conflit est fini, des militaires continuent leur patrouille aux abords du village, entretenant l’inquiétude des villageois.
Contre les idées fausses
Une session de sensibilisation est l’occasion de démonter les idées reçues : non, les gris-gris ne vous protégeront pas d’une mine ! Non, on ne peut pas brûler une mine comme un déchet pour s’en débarrasser. Oui, une mine peut se déplacer car le sol est meuble dans cette région : de fortes pluies peuvent causer de légers glissements de terrain et déplacer une mine sur plusieurs mètres…
Un villageois demande la raison pour laquelle, quand on voit une mine, il faut revenir exactement sur ses pas. Après avoir demandé dans l’assistance si quelqu’un connaissait la réponse, l’animateur Boubakar Ba explique : « On doit toujours considérer qu’une mine n’est jamais seule. Il peut y en avoir une autre à proximité. Il est alors plus sûr de quitter les lieux par le chemin qu’on a emprunté à l’aller. »
Une autre lève la main : « Les mines se périment-elles ? ». « Non, répond Boubakar. C’est comme les bouteilles en plastique. Cela peut mettre des centaines d’années. Il faut toujours se dire qu’une mine est active et dangereuse. »
Les enfants les plus à risque
« Les enfants sont les plus à risque, explique Alasan Dedhiou qui mène l’animation pour les enfants, à cause de leur curiosité naturelle et de leur insouciance. La difficulté avec les enfants pendant la séance, c’est de capter leur attention pendant toute la durée. » Alasan reprend les dessins de la brochure un par un et se démène pour animer sa classe.
Et Mamady de conclure : « Si les adultes comme les enfants retiennent un seul message à l’issue de ces deux heures - quand je vois quelque chose d’étrange dans le sol, je n’y touche pas, je marque la zone avec des branchages par exemple et j’avertis les autorités du village - nous avons gagné ! »
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